Si vous avez lu mon blog précédent sur Stavanger, vous ne serez pas étonnés d’apprendre que mon épopée scandinave a pris un tour inattendu.
En effet la perspective d’assister à la tournée No Filter des Rolling Stones s’est substituée à celle d’admirer les îles du nord de la Norvège, les musées de Copenhague et l’opéra d’Oslo!
Le temps, il est vrai, était du côté de mon inconstance puisque la pluie a sévi pratiquement pendant tout mon voyage.
Dès lors, considérant que cette occasion ne se présente pas si souvent, je me suis dirigée vers Berlin au pas de charge.
J’ai retrouvé avec beaucoup de plaisir la Berlin que je connais un peu mieux depuis mon voyage il y a cinq ans.
Mais le but cette fois était tout autre et j’ai été absolument ravie d’admirer Sir Mick Jagger toujours aussi sautillant et plein d’énergie et les extraordinaires Keith Richard, Charlie Watts, Et Ronnie Wood qui, tous semblent se moquer du temps qui passe.
J’ai assisté à très peu de grand-messes populaires, il m’est donc facile de les égrener: Bob Dylan au Pavillon de Paris avec mon cousin Serge, Simon et Garfunkel à l’hippodrome d’Auteuil en 1982 avec ma grande copine de l’époque Nathalie Murat, Noa à la Cité de la musique avec mes parents dans les années 90, l’immense Leonard Cohen à Montreux en 2013 avec ma copine Frédérique où j’ai également admiré Juliette Greco avec mon amie Anita et, toujours avec Anita mais plus décevant, Gilberto Gil en 2012 (il fit ce soir là une jam session africaine faisant fi des titres que j’aurais adoré entendre de sa vive voix…), Cat Stevens à New Plymouth en décembre 2017, Joanne Baez au Royal Albert Hall avec mon amoureux fin mai 2018… pouvais-je rater les Stones… dans le mythique Olympiastadion en plus ?…





Je vous renvoie aux références ci-dessous et confirme que ces fous d’anglais savent à merveille alterner tous leur succès et faire vibrer un stade de près de 70 000 personnes chantant à l’unisson dans une atmosphère absolument survoltée!
Après ça il ne me restait plus qu’à rentrer digérer ces impressions extraordinaire et qu’est le meilleur endroit pour le faire que Strasbourg qui fut ma dernière halte sur le chemin du retour (provisoire)
Je suis consciente de la futilité de ces réjouissances au moment où l’Aquarius rejoue les Exodus… je n’oublie pas mais continue à penser que la culture au sens le plus large est plus que jamais indispensable à notre équilibre mondial, alors que matches et concerts se multiplient et qu’y assistent en masse les gens de tous horizons: voilà des messes qui valent la peine d’être célébrées! Panem et Circenses me répondrez-vous? Peut-être est-ce un peu facile comme me le faisait remarquer très justement mon ami et mentor Jean Freymond, Président de Dialogues Geneva dans un échange Facebook que je reproduis ici:
Jean :
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L’être a besoin de pain
Il a aussi besoin de vibrer et chacun vibre à sa manière. Vibrer, c’est se sentir vivre, alors que le pain sert à assurer sa survie. Les uns vibreront en voyant Don Giovanni traîné en enfer. D’autres au spectacle d’un retourné qui se conclut par un but. À chaque fois, que de talents, que de travail! Et que de rêve distillé! Panem et circenses, c’est tout simplement la vie et ses deux facettes. Cette vie que tant d’êtres humains viennent chercher ailleurs ne la trouvant pas chez eux. Cette vie qui peut se résumer de manière encore plus brève, en un mot, dignité. Et c’est cette dignité qui constitue la colonne vertébrale de la liberté que célèbre Eluard,
Daphné :
Tu es un sage, mon cher Jean et tu as sans doute raison… mais cette réflexion m’est venue ce matin en écoutant les nouvelles… quoi? Le G7 catastrophique, la Corée du Nord, l’Iran, les migrants….pfffuit, envolés au journal ce matin pour plus de célébrations des jeux du stade….je n’ai vu qu’un match dans ma vie, certainement un des plus beaux d’ailleurs (Barça PSG à Camp Nou en 2013)… je comprends la ferveur mais pas que l’arbre cache à ce point la forêt!
Jean :
les nouvelles du monde sont de moins en moins réjouissantes. À quoi il faut ajouter que pour des millards d’êtres humains, la vie de tous les jours est souvent un calvaire avec peu d’espoir à l’horizon et la désespérance comme pain quotidien. Alors les jeux du stade constituent un échappatoire nécessaire pour beaucoup . J’ai vécu et participé à plusieurs Carnavals à Trinidad, incroyable communion qui réunit tout un chacun, les plus pauvres aussi qui y consacrent des semaines de très maigres revenus. Très longtemps je n’ai pas compris le sens de fraternité, alors que ceux de liberté et d’égalité sont à mes yeux évident, mais aux yeux de la majorité inaccessibles. Alors on se rabat sur le être ensemble, chanter, danser. La fraternité est le moteur populaire des révolutions. L’idéologie c’est juste pour ceux qui se saisissent du pouvoir pour ensuite opprimer. Les jeux du stade font oublier un temps la dureté de la vie.
C’est à la réduire qu’il faut travailler. Entre temps, que certains vibrent le temps d’un exploit n’est pas si mal.
Daphné :
Jean, …tant que ça n’est pas de la poudre au yeux sciemment répandue par nos gouvernants…
Cela dit je comprends parfaitement ce sens de communion fraternelle et loin de moi l’idée de la mépriser, bien au contraire….mais ce Mondial me rappelle les jeux de Berlin en 36… on danse sur une poudrière…
Jean:
Il ne faut pas se faire d’illusions. La soif de pouvoir conduit ceux qu’elle démange sans avoir le plus souvent les compétences pour l’exercer à jeter de la poudre aux yeux avec un cynisme non déguisé. Je ne suis pas certain que la majorité des peuples soit dupe, juste résigné, révolté, sans avoir ni la volonté, ni les capacités d’aller au bout de la révolte, conscient aussi qu’elle sera récupérée.
Tout est éphémère, un match, une révolte. Il faut en cueillir la fraternité comme une rose, avant qu’elle ne se fane.
je tends à découpler le mondial de la situation. Ceci dit la marche du temps, ce que d’autres appellent l’histoire, est totalement aléatoire, avec le risque de mèches qui s’allument comme en 1914,
Ceux qui sont en train de travailler au basculement du monde n’ont aucun intérêt à ce qu’une quelconque mèche soit allumée. Il vont tout faire pour l’empêcher. Les autres peuvent plus facilement se retrouver dècouvrir qu’ils ont allumé la mèche dans en mesurer les conséquences
Alors pour ne pas bouder ces plaisirs en pleine conscience, réécoutez l’émission Répliques du 16 juin 2016, Football. Amour et Désamour…
Références:
Comptes rendus du Tagespiegel, du Frankfurter Rundeschau, du Neue Zürcher Zeitung, du Berliner Morgen Post, du Berliner Zeitung, de Die Welt
Dans le Guardian, et à propos de la dernière (8eme) paternité de Mick Jagger à 73 ans The Rolling Stones: ‘We are theatre and reality at the same time’ in the Guardian by Alex Needham, 1er décembre 2016
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