Premier jour du Printemps, premier jour de l’éveil de la terre, et nous sommes terrés, de crainte d’être enterrés!
Nous avons eu deux mois pour y penser, pour faire une quête frénétique des espaces et des cultures
Nous avons eu deux semaines pour comprendre ce qui allait nous arriver
Nous sommes rentrés aux abris vendredi dernier après deux discours d’Emmanuel Macron (oui…les autorités suisses aussi. Mais leur discours est brouillon et brouillé, voir les commentaires satiriques des précédentes éditions de ce journal). Je n’ai pas entendu le premier mais été séduite, comme toujours, par la merveilleuse rhétorique de ce type extraordinaire. Nous sommes en guerre… et en restant à la maison!
Et à présent nous prenons nos marques et habitudes afin de sculpter le temps et cesser d’attendre pour vivre au présent..

Honneur au printemps, j’ai décidé de mettre mes fleurs à l’honneur! Achetées samedi dernier, elles se sont épanouies…. et le me demande comment m’en procurer d’autres

De l’excellent interview de Sylvain Tesson ce matin sur France Inter, je retiens ces pépites:
« Les individualités très hostiles à la solidarité doivent s’incliner devant la grande marche du monde »

« Ne pas engager une lutte contre le temps, cesser de tout numériser, arythmetiser le temps. »
« Transformer nos vies sous pression »
« Évidemment nous le subissons mais si nous ne l’acceptons pas, c’est la double peine »
Il suggère de (re) Le Joueur d’Échecs de Zweig et Le Journal d’un Homme de Trop de Tourgueniev ainsi que Le Hussard sur le Toit : « procès spirituel à propos de la contagion »
«Sur la question de la discipline horaire: « le temps doit être sculpté! Si on se laisse dériver on risque l’effondrement, l’avachissement »
« En raison de notre circulation effrénée nous voici arrêtés »
Il rappelle la Fable des Animaux Malade de la Peste : méfions-nous de ce qui dort en nous…
« On ne peut pas tout imputer à la mondialisation mais on ne peut pas l’en exonérer totalement »
Remettre en cause notre arrogance
La première victoire d’un virus c’est quand il instille la peur
Nous sommes dans la guerre , avec nos troupes opérationnelles en blouses blanches et nous, les confinés.
Y a-il un avant et un après : chaque année apporte sa catastrophe. Nous sommes très forts à élaborer des scénarios qu’on s’empresse d’oublier.
L’imagination qu’on prônait en 68 s’est aplatie devant l’écran
Après une saison en enfer, l’été sera celui des illuminations (allusion à son émission sur Rimbaud cet été )
Enfin voici ma journée de ce printemps MMXX. J’ai été faire de « grosses courses » car je crains que le confinement ne se renforce et à part fruits et légumes (que j’irai chercher demain à la ferme), j’ai de quoi tenir une grosse semaine… pour avoir tout ce que je voulais j’ai dû aller de la lugubre Migros à plus riante Manor … on s’est même renseigné chez le concierge qui nous a dit se charger de la seule vieille dame de notre immeuble… Puis après un déjeuner avec ma fille, j’ai travaillé tout l’après-midi a corriger des devoirs et préparer mes cours de la semaine prochaine pour des élèves très en demande et stresses à juste titre par une hiérarchie éducative qui semble perdre les pédales…

Comme toujours des petits chats entre copains et copines et même une explication de texte de mon blog d’hier avec ma plus fidèle lectrice, mon Ingrid amie fidèle parmi les fidèles….et quelques excellentes explications sur la justification du confinement… que vous aurez dans l’édition de demain car aujourd’hui c’est le jour de mes tulipes et de ma table de travail autour de laquelle évolue ma vie ces jours-ci…

En faisant divers petits travaux j’ai été impressionnée Par la différence entre l’idée que se font certains du confinement solitaire est tranquille et la réalité de temps de parents coincée à la maison avec entre deux et six enfants sinon plus. J’ai donné aussi comme travail à mes élèves d’écrire à l’heure pareille dans 50 ans et je dois dire que ce qu’ils écrivent et touchant est tout à fait fascinant mais ce sont surtout de merveilleux témoignages de leur humanité et de leur maturité…Pour la plupart d’entre eux !

Ce qui m’a tout même le plus interessee aujourd’hui fut que la remarque de Nicolas Demorrand à Sylvain Tesson lui rappelant l’article dont je livre les bonnes feuilles ci-dessous ainsi que sa propre émission sur Inter. Je vous laisse sur ces lignes, déterminée à ce que ce soir et demain soient un véritable שבת.

Coronavirus ou le retour à la normale
Si pendant cinquante ans les antibiotiques, les vaccins et le pétrole nous ont sortis de notre condition naturelle, ils nous ont aussi ôté la conscience de la matérialité de notre existence. L’épidémie de coronavirus et le réchauffement climatique participent d’un « stupéfiant retour du réel » qui impose de repenser notre rapport à l’environnement.

Dans un article publié dans le New York Times le 18 avril 1999, le sémiologue italien Umberto Eco prenait la mesure de l’extraordinarité de son époque où si l’on était malade, il suffisait de prendre un antibiotique durant une semaine pour s’en sortir ; si l’on avait froid, il suffisait de monter le radiateur pour avoir chaud et quand on avait faim, de prendre sa voiture et d’aller au supermarché. Car tout était différent avant les années 1950.(…)Aujourd’hui pourtant, face au réchauffement climatique et à l’épidémie de coronavirus, cette extraordinaire période de l’histoire humaine semble derrière nous.(…)Car l’homme est un singe nu qui ne survit que grâce à la technique, grâce au feu tout d’abord qui nous a réchauffé en hiver et a rendu possible l’habitation des climats naturellement inhabitables de la planète ; le feu qui a externalisé l’énergie qui nous épuisait lors de la digestion en permettant de précuire les aliments. La technique nous a donné des habits, des abris, des outils et nous a permis de vivre sur la Terre. Aujourd’hui, c’est encore grâce à la médecine moderne que les 15% des cas graves atteints du coronavirus sont sauvés en étant mis sous assistance respiratoire à l’hôpital. La catastrophe qui vient n’est pas nouvelle… Elle a été le quotidien des êtres humains depuis la nuit des temps, à l’exception de nos cinquante dernières années.(…)Je ne sais pas exactement comment ce tournant « réaliste » se traduira dans les autres domaines, mais je sais comment il se traduit déjà en urbanisme et en architecture. Et il n’est en aucun cas réactionnaire mais au contraire ouvre de nouveaux champs d’émancipation, de liberté, d’imagination et figure un formidable débouché pour un nouveau contrat social à la fois entre les humains, mais aussi avec les non-humains.

merci Daphné de ce blog, et merci de me citer comme amie je le sais mais ça me touche. petite remarque : les progrès d’après 1950 ne concernent pas l’entièreté de la population mondiale malheureusement.
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Faudra le dire au regretté Eco….
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