Ce matin, ma copine Ingrid a posté ce texte de l’écrivaine italienne Francesca Melandri dans Libération le 18 mars:

Je vous écris d’Italie, je vous écris donc depuis votre futur. Nous sommes maintenant là où vous serez dans quelques jours. Les courbes de l’épidémie nous montrent embrassés en une danse parallèle dans laquelle nous nous trouvons quelques pas devant vous sur la ligne du temps, tout comme Wuhan l’était par rapport à nous il y a quelques semaines. Nous voyons que vous vous comportez comme nous nous sommes comportés. Vous avez les mêmes discussions que celles que nous avions il y a encore peu de temps, entre ceux qui encore disent «toutes ces histoires pour ce qui est juste un peu plus qu’une grippe», et ceux qui ont déjà compris. D’ici, depuis votre futur, nous savons par exemple que lorsqu’ils vous diront de rester confinés chez vous, d’aucuns citeront Foucault, puis Hobbes. Mais très tôt vous aurez bien autre chose à faire. Avant tout, vous mangerez. Et pas seulement parce que cuisiner est l’une des rares choses que vous pourrez faire. Sur les réseaux sociaux, naîtront des groupes qui feront des propositions sur la manière dont on peut passer le temps utilement et de façon instructive ; vous vous inscrirez à tous, et, après quelques jours, vous n’en pourrez plus. Vous sortirez de vos étagères la Peste de Camus, mais découvrirez que vous n’avez pas vraiment envie de le lire.
Vous mangerez de nouveau.
Vous dormirez mal.
Vous vous interrogerez sur le futur de la démocratie.
Vous aurez une vie sociale irrésistible, entre apéritifs sur des tchats, rendez-vous groupés sur Zoom, dîners sur Skype.
Vous manqueront comme jamais vos enfants adultes, et vous recevrez comme un coup de poing dans l’estomac la pensée que, pour la première fois depuis qu’ils ont quitté la maison, vous n’avez aucune idée de quand vous les reverrez.
De vieux différends, de vieilles antipathies vous apparaîtront sans importance. Vous téléphonerez pour savoir comment ils vont à des gens que vous aviez juré de ne plus revoir.
Beaucoup de femmes seront frappées dans leur maison.
Vous vous demanderez comment ça se passe pour ceux qui ne peuvent pas rester à la maison, parce qu’ils n’en ont pas, de maison.
Vous vous sentirez vulnérables quand vous sortirez faire des courses dans des rues vides, surtout si vous êtes une femme. Vous vous demanderez si c’est comme ça que s’effondrent les sociétés, si vraiment ça se passe aussi vite, vous vous interdirez d’avoir de telles pensées.
Vous rentrerez chez vous, et vous mangerez. Vous prendrez du poids.
Vous chercherez sur Internet des vidéos de fitness.
Vous rirez, vous rirez beaucoup. Il en sortira un humour noir, sarcastique, à se pendre.
Même ceux qui prennent toujours tout au sérieux auront pleine conscience de l’absurdité de la vie.
Vous donnerez rendez-vous dans les queues organisées hors des magasins, pour rencontrer en personne les amis – mais à distance de sécurité.
Tout ce dont vous n’avez pas besoin vous apparaîtra clairement.
Vous sera révélée avec une évidence absolue la vraie nature des êtres humains qui sont autour de vous : vous aurez autant de confirmations que de surprises.
De grands intellectuels qui jusqu’à hier avaient pontifié sur tout n’auront plus de mots et disparaîtront des médias, certains se réfugieront dans quelques abstractions intelligentes, mais auxquelles fera défaut le moindre souffle d’empathie, si bien que vous arrêterez de les écouter. Des personnes que vous aviez sous-estimées se révéleront au contraire pragmatiques, rassurantes, solides, généreuses, clairvoyantes.
Ceux qui invitent à considérer tout cela comme une occasion de renaissance planétaire vous aideront à élargir la perspective, mais vous embêteront terriblement, aussi : la planète respire à cause de la diminution des émissions de CO2, mais vous, à la fin du mois, comment vous allez payer vos factures de gaz et d’électricité ? Vous ne comprendrez pas si assister à la naissance du monde de demain est une chose grandiose, ou misérable.
Vous ferez de la musique aux balcons. Lorsque vous avez vu les vidéos où nous chantions de l’opéra, vous avez pensé «ah ! les Italiens», mais nous, nous savons que vous aussi vous chanterez la Marseillaise. Et quand vous aussi des fenêtres lancerez à plein tube I Will Survive, nous, nous vous regarderons en acquiesçant, comme depuis Wuhan, où ils chantaient sur les balcons en février, ils nous ont regardés.
Beaucoup s’endormiront en pensant que la première chose qu’ils feront dès qu’ils sortiront, sera de divorcer. Plein d’enfants seront conçus.
Vos enfants suivront les cours en ligne, seront insupportables, vous donneront de la joie. Les aînés vous désobéiront, comme des adolescents ; vous devrez vous disputer pour éviter qu’ils n’aillent dehors, attrapent le virus et meurent. Vous essaierez de ne pas penser à ceux qui, dans les hôpitaux, meurent dans la solitude. Vous aurez envie de lancer des pétales de rose au personnel médical.
On vous dira à quel point la société est unie dans un effort commun, et que vous êtes tous sur le même bateau. Ce sera vrai. Cette expérience changera à jamais votre perception d’individus. L’appartenance de classe fera quand même une très grande différence. Etre enfermé dans une maison avec terrasse et jardin ou dans un immeuble populaire surpeuplé : non, ce n’est pas la même chose. Et ce ne sera pas la même que de pouvoir travailler à la maison ou voir son travail se perdre. Ce bateau sur lequel vous serez ensemble pour vaincre l’épidémie ne semblera guère être la même chose pour tous, parce que ça ne l’est pas et ne l’a jamais été.
A un certain moment, vous vous rendrez compte que c’est vraiment dur.
Vous aurez peur. Vous en parlerez à ceux qui vous sont chers, ou alors vous garderez l’angoisse en vous, afin qu’ils ne la portent pas. Vous mangerez de nouveau.
Voilà ce que nous vous disons d’Italie sur votre futur. Mais c’est une prophétie de petit, de très petit cabotage : quelques jours à peine. Si nous tournons le regard vers le futur lointain, celui qui vous est inconnu et nous est inconnu, alors nous ne pouvons vous dire qu’une seule chose : lorsque tout sera fini, le monde ne sera plus ce qu’il était.

Cela a suscité une polémique dans notre groupe entre les optimistes qui l’ont trouvé trop sombres et les fatalistes (réalistes?) qui s’y sont totalement identifiés …

Après un café en écoutant les hilarants podcasts de Nicolas Canteloup (pour éviter les nouvelles anxiogènes et cette litanie des morts par pays) et un peu de révisions des définitions des mots “qui paient” au Scrabble, ainsi que quelques parties de Scrabble et Duel Quiz, je suis retournée sous ma couette avec mon chat, Figaro.

J’ai lu deux heures au lit ce matin, entre des coups de téléphone de la famille, des messages pleins de sollicitude de Daniel, Nawel, Geneviève et Natacha que j’avais un peu perdus de vue ces derniers temps et quelques éclats de rire tonitruants devant certaines vidéos et photos.

Sur les envies de braver les interdits
Sur notre ennui (honnêtement inexistant chez moi, peut-être en raison de ma longue habitude de voyager seule)
Celles des profs
Celles des parents
Celles des parents et des enfants
… et sur notre état actuel !
Les inquiétudes sur notre état à la sortie

Rattrapée par l’actualité, j’apprends que la polémique enfle sur le plan mondial devant la gêne évidente des gouvernements devant le succès de certains pays à éradiquer la crise (Chine et Taïwan) et l’échec apparent de nombreux autres dont la malheureuse Italie qui a eu presque 800 morts ces derniers 24 heures et la France qui semble lui emboîter le pas…Il est à noter le remarquable esprit de solidarité de l’Etat du Bade Wurtemberg et de la Suisse prêts à accueillir des malades Covid+ sur leur sol.

Parmi les papiers intéressants, je note l’article de Fabrice Flipo et Elodie René dans AOC génialement intitulé Coronavirus en France: la Stratégie de la Ligne Maginot documente les incohérences que je relevais dans mes papiers précédents

« Alors que le président Macron s’apprête à annoncer de nouvelles mesures visant à tenter d’endiguer la propagation du coronavirus, il est temps d’interroger la stratégie de ligne Maginot qui lui a trop longtemps tenu lieu de politique. Et aussi de pointer le danger qui consiste à demander à « la Science » de décider sans prendre la peine d’y associer les citoyens, creusant le risque au lieu de l’atténuer. Il est temps de leur permettre de devenir de véritables acteurs de la gestion du risque. (…) Concluons sur l’excellente intervention du président de la République, le 12 mars au soir. Enfin, un représentant des pouvoirs publics dit clairement l’importance de l’engagement des citoyens. Il aura pour cela fallu attendre que les chiffres de contamination finissent par inquiéter. Ces chiffres ne sont que le résultat d’un volet défaillant de la gestion de crise. Une conception maladroite de l’expertise, une manière paternaliste de gérer les événements, un dévouement certes sans failles d’un corps médical extrêmement compétent mais pas omnipotent. Compter sur l’intelligence des foules est payant.

Quelques jours après que Brigitte et Emmanuel Macron soient allés au théâtre « pour inciter les Français à sortir malgré le coronavirus », Edouard Philippe a « traversé la rue », vu des Français irresponsables attablés dans les cafés : il a décrété la fermeture de tous les lieux de convivialité. Emmanuel Macron ne cesse d’annoncer des mesures exceptionnelles, « quoiqu’il en coûte » : comme Nicolas Sarkozy en 2008, qui a socialisé les pertes abyssales générées par le comportement irresponsable des banques ? En attendant la suite, dans leur grande sagesse, les Français achètent des pâtes. »

Il faut cependant reconnaître que cette égard la politique française est un modèle de clarté par rapport à celle de la Grande-Bretagne !

Je suis sortie, très peu, très vite, pour aller acheter fruits et légumes à la ferme. En effet, c’est bien beau de fermer les marchés et évidemment cela prend tout son sens mais que faire des fruits et légumes produits par les maraîchers locaux ? Privé de marché ils sont privées de déboucher ! Heureusement le bouche-à-oreille fonctionne ou du moins le SMS un SMS et c’est un site que je me suis retrouvée avec ma copine Ingrid, chacune dans sa voiture est à 3 m l’une de l’autre pour aller récupérer notre commande directement posée dans notre coffre afin d’ éviter tout problème de contagion!

admirant au passage la campagne Genevoise

Une fois rentrée j’ai surtout fait du ménage, un peut jouer sur duel Quiz et sur le Scrabble j’ai même fait une sieste interrompue par mon chat, une grande salade de fruits à dîner et suis allée sur mon balcon applaudir comme tous les soirs le personnel hospitalier avant d’aller finir Cherokee

Au chapitre des bonnes nouvelles, la copine qui s’était fâchée avec moi pour mes propos « toxiques » semble revenue à de meilleurs sentiments à mon égard et nous avons repris nos petites habitudes d’échanger recettes et gags en planifiant notre apéro de lundi soir!

Après une heure de conversation avec mon amoureux… il est temps d’aller dormir non sans ce dernier dessin à méditer

Portez-vous bien !

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