
Mes fleurs sont blanches sur ma table, épanouies et lourdes, elles m’enchantent en ce 22 eme jour d’une parenthèse si particulière, comme me l’a rappelé mon ami Jean Freymond dans un très joli billet hier:
« Les rues se vident. Des milliers d’êtres humains se pressent vers une seule place, happés par l’histoire qui va les broyer. Une voix rauque et les hymnes nationaux de deux peuples à la dérive ; et deux être humains, volontairement confinés, se découvrent avant de se déchirer. Una giornata particolare, en effet que ce 8 mai 1938, à Rome, comme le sont ces semaines que vit le monde en ce magnifique printemps 2020. Rarement les oiseaux ne se sont fait à tel point entendre. Rencontre entre une planète chamboulée et des destins singuliers. Rarement aussi, n’avons-nous pas ressenti à tel point nous avions besoin de silence, c’est-à-dire de ne rien dire, pour se donner le temps de la distance, le temps de prendre la véritable mesure du vécu du monde, qui ne se découvre qu’à force de désemboîter les événements comme des poupées russes, un peu comme si nous déshabillions l’histoire pour en retrouver l’essentiel, la beauté et le terrible ; et l’évidence qu’elle nous échappe. »
Le texte de Jean reflète à merveille le Paris vide de Marc…même avec la Java Bleue aux fenêtres
Il y a derrière ces fenêtres des familles sereines et disposant de place, mais pour cette poignée de bienheureux, combien de drames se nouent ?… combien d’enfants séparés de l’un de leurs parents, combien de professionnels n’arrivant plus à conjuguer vie privée et professionnelle dans un même espace ? Combien de petits chefs imbéciles se sentant investi d’une mission régulatrice alors qu’ils n’ont aucune idée de là où ils vont, à l’image du crétin qui m’a envoyé une missive me priant de compter combien d’heures je n’avais pas effectuées, moi qui non seulement n’est pas compté mes heures mais ai largement quintuplé ma dose de travail ?! Et Sorj Chalendon a raison d’écrire :
J’écris de la maison car c’est moins loin de chez moi. À vous sui n’aviez que l’air libre pour respirer. À vous qui êtes captive d’un salaud.quelques courses et retour à la case prison. Nous pensons à vous parce qu’en plus des murs clos, un Minotaure vous terrorise. “Nous pensons à vous parce qu’en plus des murs clos, un Minotaure vous terrorise”.
Sorj Chalandon, lettres de l’Interieur, France Inter le 3 avril.
Ainsi au chapitre des nouvelles désolantes dans Le Monde du 3 Avril p. 3 Le Monde – La fatigue et la trouille : à l’hôpital, le coronavirus met les soignants sous haute tension:
Alors que le Covid-19 étend son emprise en France, la communauté soignante subit un quotidien de crise, entre brutalité de la maladie, réorganisation au pas de charge, craintes des pénuries et des contaminations.
La fatigue et la trouille, la peur pour les patients et la peur pour soi-même, le stress des nouvelles pénuries qui s’annoncent, la sidération face à la brutalité de la maladie et la crainte d’avoir à pratiquer une médecine d’« abattage ». Et tout cela mêlé à la colère d’avoir si longtemps alerté, en vain, du manque de moyens et de n’avoir jamais été entendu. Alors que l’épidémie de Covid-19 étend son emprise sur le territoire national et que les transferts de patients se poursuivaient, jeudi 2 avril, entre la région parisienne et des zones moins touchées, la communauté soignante subit désormais à plein l’épreuve d’un quotidien de crise. (…) La fatigue et la trouille, la peur pour les patients et la peur pour soi-même, le stress des nouvelles pénuries qui s’annoncent, la sidération face à la brutalité de la maladie et la crainte d’avoir à pratiquer une médecine d’« abattage ». Et tout cela mêlé à la colère d’avoir si longtemps alerté, en vain, du manque de moyens et de n’avoir jamais été entendu. Alors que l’épidémie de Covid-19 étend son emprise sur le territoire national et que les transferts de patients se poursuivaient, jeudi 2 avril, entre la région parisienne et des zones moins touchées, la communauté soignante subit désormais à plein l’épreuve d’un quotidien de crise(…) Cette trouille pour leurs patients, les soignants l’ont aussi pour eux-mêmes et leurs proches, qu’ils redoutent de contaminer. « La fatigue s’accumule, des collègues sont malades ou ont peur d’être contaminés à leur tour, explique Corinne Delys, psychologue à l’hôpital de Creil (Oise) et déléguée CGT du personnel. De plus en plus disent qu’ils ne dorment pas et viennent au boulot avec la peur au ventre. »(…) Mardi 31 mars a été, à l’hôpital de Creil, « une journée horrible », dit-elle. « Nous avons été confrontés à l’agressivité extrême d’une famille qui ne pouvait pas voir un de ses membres décédés du Covid-19, raconte la psychologue. Ils sont arrivés à soixante dans l’hôpital. Nous avons dû faire appel à la police. Dans notre secteur, nous sommes habitués aux situations explosives, mais, avec le Covid-19, elles redoublent de violence. »(…) A l’hôpital Max-Fourestier de Nanterre, l’équipe soignante a mis cette question sur la table. « Nous avons décidé de permettre aux proches de venir voir les patients en fin de vie, tout en mettant en place un protocole afin de limiter les risques de contamination, raconte Véronique Manceron. Cette décision a été prise à l’unanimité. C’est une question d’humanité : voir ses proches avant de mourir, on ne peut pas enlever ça aux gens. »(…)Dans l’un des services de réanimation de Strasbourg, Olivier (son prénom a été modifié) raconte le moment de tension le plus extrême, celui de l’extubation, lorsque l’équipe soignante ôte le matériel respiratoire. « Certains arrivent à se battre, dit-il. Certains n’en ont plus la force et lâchent. » Ensuite, tout va très vite, trop vite. « On les met dans un sac mortuaire, il n’y a pas de toilette, il n’y a pas les gestes que l’on peut faire d’ordinaire. C’est la peste noire. Les familles ne sont plus là dès que l’on rentre dans les unités Covid. En bas, un gendarme vient constater le décès. C’est terminé. Et un nouveau malade arrive. »
Témoignage côté malade, (CharlElie Couture sur sa page FB): 4h30 du matin, j’ai peut-être enfin passé le cap. 1er Avril, c’est pas une blague, la preuve : je me lève. Seul dans le silence de la maison endormie, je me sens fichtrement mieux que la veille. Petit retour sur huit jours/nuits terribles…
À peine après avoir mis en ligne le dernier post, alors comme une pierre dans l’eau, j’ai commencé à sombrer. Des jours sans fin, au fond du trou. Incapable de rien. Même plus rester assis. Même plus me lever. Des jours au trente-sixième dessous. La bouche sèche, le goût de l’eau en plomb. Je n’ai plus faim, plus envie de rien. Même plus envie de parler. J’ahane, je m’essouffle. Kaput. HS. Comme un droïde cassé, un jouet sans pile, un pantin dans l’ombre d’un grenier. Mal à l’aise comme un carton froissé. Enfiévré du matin au soir et plus encore pendant la nuit. Les deux thermomètres électroniques oscillent entre 38,4° et 39,8°. Maux de tête, spasmes et tremblotements, le corps en vrac et la nuque qui craque, un clou entre les omoplates, les couilles molles, nauséeux, le teint blafard, quand je tente une sortie de la chambre, j’erre comme un zombie. Je ne sais plus où j’en suis. « Quand par moment même, on perd jusqu’à l’estime de soi… »
Complétement stoned. Défoncé de fatigue. K.O. intégral. Passer son temps à plat, tellement à plat. Limande, raie ou plie, je suis dans le lit confondu aux draps. Comment retrouver la force de remonter sur le ring, comment reprendre le dessus ?
Cela fait des années que je n’ai pas vécu une épreuve si difficile. Replié sur moi-même, j’ai perdu mes repères. J’ai honte d’être si mal. J’évite de me montrer aux miens. Je ne suis pas visible. Dire que je me croyais assez solide, assez en forme pour lui rire au nez. Ce virus est sournois.
Heureusement qu’il y a eu la décision de ce confinement ! Quel qu’il soit, il m’a sauvé; je ne sais pas comment j’aurais pu gérer les contraintes de mon planning, si la vie avait continué ?
Les statistiques me donnaient à penser que je faisais sûrement partie des 98% qui ne feront pas appel à la diligence des services hospitaliers, mais la maladie m’a chopé en traître. Coup de bambou derrière la nuque, il m’a mis la tête à l’envers comme une chauve-souris. Plusieurs nuits de suite, j’ai déliré et vu la mort en face, disons non, de trois-quarts. J’étais vieux, un arbre mort. J’avançais à petits pas et je risquais de tomber dans l’escalier. Seulement un cas parmi tant d’autres, loin d’être le pire. Je pense à tous les pauvres gens, qui déjà en temps normal, vivent dans des conditions d’hygiène ou de vie difficiles, comment ça doit être tellement dur pour eux ! Et ceux qui vivent cet enfer à New York ! En dehors des statistiques, en dehors des chiffres et des informations officielles, en dehors de ce blog, en dehors des messages d’amitié, ma situation n’a pas d’intérêt. Peu de gens sont au courant de mon état et l’on me demande de participer à des actions de distraction, alors que je suis bien incapable de bouger.
C’est peut-être une chance d’être en communication avec le monde grâce à Internet, mais si j’allume mon téléphone pour me distraire, quand je l’éteins, je suis encore plus mal. Une bouillie d’images, un hachis de vidéos, j’ai la tête farcie de n’importe quoi, à croire que la bêtise humaine est le lien, le tronc commun entre toutes ces images aléatoires que me proposent les logiciels des serveurs on line.
Et quand la lumière baissait, j’appréhendais la nuit. La nuit qui serait forcément longue, très longue. Comme aujourd’hui, oui, et pourtant aujourd’hui, c’est différent, car je peux me lever pour affronter ma réalité, celle que j’écris ici, maintenant sur cet écran. Ça se remet en fonctionnement.
L’inquiétude grandissait autour de moi, mais je n’ai heureusement jamais senti l’oppression de l’insuffisance respiratoire nécessitant de faire appel à une assistance publique.
Hier j’ai recommencé à me lever, un peu.
– Nous sommes dans les normes, tout va bien » a dit le médecin resté zen. « Il vous faut juste faire preuve de patience. »
En fait de patience, j’ai peut-être un peu trop attendu avant de profiter de son Savoir et de sa Connaissance. On disait que ça allait passer tout seul… je voulais le croire. Pourtant l’idée de boire de l’eau citronnée chaude en prenant des douches brûlantes, c’est bien gentil, mais à un moment ça n’a plus vraiment suffi. Je ne parle même pas d’ Hydroxy-chloroquine… N’empêche qu’il faut être vraiment obtus pour refuser les évidences. Qu’on le veuille ou non, et quelle que soit la polémique, ce professeur Didier Raoult de Marseille – dont l’apparence hors du commun le faisant ressembler à Renaud, Buffalo Bill ou je-ne-sais-trop-qui déstabilise ceux qui se préoccupent des apparences – ce fils de médecin militaire, cet infectiologue hors norme, laissera c’est certain, a posteriori le souvenir d’avoir été l’un des médecins prêts à tout pour aider leurs patients à guérir. Les masques sont tombés, c’est le cas de le dire, on a vu les courageux, ceux qui osent et qui s’engagent au front contre la maladie et on a vu aussi les pitreries des théoriciens planqués derrière l’alibi de l’éthique universitaire, défendant bec et ongles les protocoles aux dépends de la vie de certains patients en désespoir. Si je ne m’abuse Pasteur n’avait pas non plus exactement fini les tests de son vaccin quand il inocula la rage à Joseph Meister…
Donc le médecin m’a envoyé une prescription d’antibiotiques pour « protéger les poumons » et voilà le résultat : je retrouve aujourd’hui mon clavier pour écrire ces quelques lignes.
T’es cap ou t’es pas cap,
Normalement, ça devrait être bon. Si je ne me fais pas fouetter par un retour de queue de ce virus du Diable, j’ai peut-être franchi le cap.
Vive la vie !À bientôt les amis.CharlElie

J’ai démarré cette journée blanche par le visionnage d’un documentaire sur un film vu à Montréal il y a 17 ans, cela m’a rappelé mon merveilleux voyage en février à Saint-Pétersbourg puisque le film Russian Ark se déroule en Une prise au musée de l’Hermitage. Mon amie Kate a eu la brillante idée de le rappeler à mon souvenir qui me renvoie à son visionnage initial à Montréal il y a bien longtemps. J’ai un peu travaillé pour être au point la semaine prochaine mais ayant décidé de faire du pain dont je remercie le directeur de magasin parti me chercher de la levure à la boulangerie fermée de magasin pour me dépanner…! Nous avons fait des essais sur Zoom pour être prêts mercredi soir, 1er soir de Pessach !
La journée a tout de même eu son lot de plaisanteries en tout genre, entre désespoir des parents car «la continuité pédagogique c’est pourri» et autres incohérences auxquelles on se heurte à la veille de vacances confinées.
alors shabbat shalom, bien qu’un peu tardif, mais le coeur y est ! c’est magnifique cette vidéos des soignants, émouvant le témoignage de Charlelie Couture, beau et étrange les rues de Paris vides, appétissantes tes préparations pour Pessah. la présentation de ton site a complètement changé ! c’est voulu ? à vrai dire j’aimais mieux avant.
Aujourd’hui en promenade, un chien a attaqué ma chienne, je suis intervenue avec mon indignation et ma rage, j’ai flanqué un énorme coup de la poignée de la laisse, coups de pieds pour défendre Cléo, heureusement le chien en question n’était pas un molosse et ne m’a pas mordu, ni Cléo, pas eu le temps. Durant cette même promenade, alors que je discutais – à distance – d’une amie, un type en vélo s’arrête en commentant son émerveillement devant le paysage en effet magnifique des champs et des montagnes puis nous récite du Nicolas Bouvier par coeur, c’était insolite et beau. Eté chercher mon panier surprise à la ferme Bio de Compois, puis laver ( en-fin ) ma voiture à un tunnel de lavage (attendu une éternité mais j’y tenais), puis préparé du houmous, une salade de l’autre monde et je t’écris en buvant une bière avant d’aller écouter les nouvelles. Ah, oublié : ce matin, à nouveau aspirateur et serpillère, cuisine à fond, lessives… bref, m…e, personne pour voir ça ! t’embrasse !
LikeLike
Je note pour le thème du blog et fais des essais…! Tu me rediras! Merci de partager tes aventures et de me faire rire! Bisous ma copine !
LikeLike