Jonathan Coe est un de mes auteurs contemporains préférés. Son dernier ouvrage, outre qu’il m’a distraite des affolants soubresauts du monde, a suscité plusieurs réflexions à partir de ce roman à tiroirs politiques, policiers, societaux et philosophiques
J’ai curieusement écrit ce titre avant d’entamer la lecture du dernier Jonathan Coe, the proof of my innocence. Je comptais écrire un autre papier, mais ce livre m’a permis d’en faire une synthèse.
Je pense qu’il sera très rapidement traduit et préfère développer ma réflexion en français cette fois-ci. Je souhaite bon courage aux traducteurs pour le titre. À l’épreuve de mon innocence ?
Jonathan Coe est un de mes auteurs contemporains préférés. Probablement car nous appartenons à la même génération, partageons un certain point de vue sur l’Angleterre, encore qu’il soit bien plus de gauche que moi (ce qui n’est pas difficile).
Son dernier roman m’a laissée songeuse et le fait qu’il y soit question d’un blog m’a incitée à reprendre le mien.
J’ai eu la chance de grandir en partie dans la région de prédilection de Coe. Le lire me permet de me retremper dans mes années à Leamington-Spa, Warwick, Stratford-Upon-Avon et plus généralement, les Cotswolds .
Dans ce roman, comme dans la plupart de ses écrits, Coe décrit une Angleterre, en pleine déliquescence, s’inquiète de cette nouvelle droite décomplexée qui ne recule devant rien, surtout pas le mensonge et la dissimulation, pour séduire des foules
Emboîtant les histoires et hypothèses sur la mort d’un blogueur lui permet de revisiter l’Angleterre des 40 dernières années, le monde académique, la jeunesse anglaise actuelle et plus généralement l’individualisme forcené qui est devenu la règle et rend dingues les gens de notre génération.
24: They crossed the bleak stretch of parkland between the vicarage and the town centre, and were soon strolling along Rookthorne’s high street. Never very alluring, it had changed for the worse in the time that Phyl had been away at university. The two main pubs, the Bell and the White Horse, had both closed down and were boarded up. Abelman’s the butcher’s – a staple of her family world for almost two decades – had closed earlier in the year, as had the post office, the one high street bank and a once-thriving independent bookshop. The only new business to have arrived in the last few months was a pizza delivery company which now operated out of the old post office, its windows still covered with newspaper and a temporary sign nailed to the frontage. About a mile and a half away, however, on the far outskirts of the town, a new trading estate had recently sprung up, featuring two supermarkets, a home furnishings warehouse, a discount store and a coffee shop, all of them part of large national chains. And it was to this location that the residents of Rookthorne flocked every day, leaving their cars in its enormous car park, trawling the shops for affordable items but nevertheless considering £5 a small price to pay for a coffee when it also entitled you to free Wi-Fi and a warm refuge for as long as you wanted it. Meanwhile the high street lay forlorn and deserted.
153: my time at Cambridge – which took me out of one world without really moving me into another – left a more lasting mark on me than it did on the people who had always felt that they belonged there as if by inalienable right.
155: I was told that Cambridge is a chilly and cheerless place, the low-lying fens offering no protection against the icy winds blowing from the North Sea and, ultimately, from Eastern Europe and Russia. All I would say to that is, if you come from Middlesbrough, the climate is more likely to strike you as agreeably balmy.
169: (about British cohesive society)In Britain, you could say that we started believing in that sort of society in 1945, and stopped believing in it about forty years later, when people began to be encouraged to think that individual happiness, individual success, individual rights were all that mattered.
And now, in the 2020s, a lot of people are nostalgic for that brief post-war moment. For a time when our bowler hats may have got run over by steamrollers and our song-and-dance routines may have gone comically wrong but at least we could depend on each other, at least we had each other’s backs.
I tend to think that one of the most powerful signifiers of the new individualism was the mobile phone, that improbable object which began life as a hilarious plastic brick with a radio antenna and has now become ubiquitous and indispensable, the centrepiece and cornerstone of our lives. (…) So, don’t let anyone tell you that the eighties began when the seventies ended. The eighties began on the 1st of January 1985, when Ernie Wise made the first public mobile call in the United Kingdom.
176: They found it unbelievable that their own son should now be rubbing shoulders and quaffing Sauvignon with members of what would probably today be called the metropolitan elite. In our world, the people who appeared on television and the people who lived in Middlesbrough – our friends, our neighbours, our own family – could not possibly encounter each other: they belonged to different social and geographical galaxies.
This was the natural order of things, as far as my parents were concerned, and this sudden exception was staggering to them.
235: That was his Cambridge background, I suppose. Now that he’s gone I do realize how much I respected that in him. If there’s one way I can honour his memory I think it’s by following that ethos. Don’t be a dilettante. To understand a subject you have to know everything, you really have to fucking master it, whether it’s episodes of Friends or the history of conservatism post-1979.
243: (By the way, Rash thinks I should be writing all of this in the present tense. She thinks it sounds much more immediate and authentic that way. To her the past tense is ’embarrassing’ the same way that fiction is. If I were to take her advice, the last paragraph would have read like this: ‘On Friday, we take a mid-morning train to London.
We have to change at Reading. On the second part of the journey, we sit opposite a couple of old guys, retired by the looks of it.’ Do you think it makes much difference? Personally, I don’t think it does.
I’m going to keep using the past tense. It feels more natural to me.
After all, these things happened in the past. The present is just me sitting at my keyboard, now, typing these words.)
(Jonathan Coe, The proof of my innocence, Viking, penguin books, 2024 )
J’ai lu tout ceci, alors que faisait rage la guerre « de 12 jours », qu’Israël, dont on rappelle qu’elle a subi une attaque d’une barbarie inconcevable , est devenue synonyme du paria des démocratie après en avoir été son parangon dans la région.
Quant au reste du monde, ce ne sont ni la France aux deux extrêmes populistes, ni l’Ukraine, ni la Russie, ni la Turquie, ni l’Afrique en général qui risquent de me remonter le moral. On en arrive presque à aimer Trump… j’ai dit presque !
Plus le temps, passe après l’attaque du 7 octobre, plus je préfère m’évader d’exposition en exposition, d’opéra en pièce de théâtre, d’essai en roman.
Alors quels sont les fondamentaux auxquels j’aspire à revenir ?
Au risque de sonner comme la vieille folle que je suis certainement devenue, je n’arrive pas à admettre que les réseaux sociaux qui auraient dû nous rapprocher et nous permettre un dialogue constructif, soient devenus une manière de ne nous faire voir que notre propre réalité à l’exception de toute autre.
Je suis de la même façon terriblement choquée de devoir faire un visa pour me rendre en Angleterre, alors que ma simple carte d’identité suffisait il y a moins de 10 ans.
En tant que juive en diaspora, je suis horrifiée d’entendre les propos racistes et suprématistes de la part d’une frange croissante, hélas, de la population israélienne. Je comprends bien que le 7 octobre est un rappel atroce d’une réalité que l’excellent Marc Alain Ouaknin illustrait ainsi :
La Liberté et la libération sont au cœur de cette fête de Pessah dont le récit pascal de la Haggada se fait le témoin dans ce passage toujours lu avec crainte et tremblement : « Et cela a soutenu nos ancêtres et nous soutient aujourd’hui. Car ce n’est pas un seul ennemi qui s’est dressé contre nous pour nous exterminer, mais à chaque génération, des ennemis se dressent contre nous pour nous exterminer, et le Saint béni soit-Il nous sauve de leurs mains. » Obsession étonnante de la part des antisémites qui ne se lassent pas de cette haine et obsession en retour de la part des juifs qui ne finissent jamais de s’étonner de sa persistance
Mais je comprends et partage la douleur de la poignée de palestiniens qui n’a pas cédé à l’hubris alors même que je voue au gémonies les extrémistes des colonies de Cisjordanie…
J’observe la marche du monde au plus près : je suis enseignante ! Je vois mes élèves plonger dans leurs smartphones comme si leur vie en dépendait et en même temps, je les entends envier un temps où ceux-ci n’existaient pas.
Je suis loin d’être la dernière à me servir de la technologie moderne, mais j’ai connu la vie avant qu’elle existe, et je sais m’en passer, tout en admettant qu’elle me rend de fieffés services.
Alors j’espère précisément ce retour au fondamentaux que sont le respect de l’autre, sans que cela implique l’irrespect de certains, la capacité de dialogue et de compréhension mutuelle, sans que cela implique des dialogues parallèles, la mémoire du passé pour ne pas bâtir un château de sable, la conscience qu’où que nous soyons, il est impératif de parler, d’expliquer et de réfléchir avant tout !
Mon conseil ? Sortez profiter de ce que la vie culturelle nous offre. Vous pouvez éviter le Grand-Théâtre ces temps-ci qui s’est mis à la sauce macabre façon Woke déconstruite que les Neo-Con  qui méritent si bien leur nom, auraient également réprouvé. 
Par contre, allez voir l’exposition sur les femmes chinoises dans la délicatesse m’a transpercé l’âme à la Fondation Baur.
Allez voir les ravissante Marines de Boudin au musée Marmottan,
la rue au Musée d’Orsay,
Retournez au théâtre Du Châtelet, repris par l’excellent Olivier Py,
Sortez, profitez, si vous le pouvez, de la mer, des lacs, des arbres et de l’ombre.
Et surtout dites ce que vous aimez plutôt que ce que vous n’aimez pas ! J’ai aimé le dernier Coe et je l’écris !
[…] écrit qu’il est urgent de revenir aux fondamentaux, il semblerait que nous soyons cordialement d’accord, ce que Valentin Pérez du Monde du 21 mai […]
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