
La cuvée « Vins Vins », tant vantée par les bons mots du jour de l’an, a pris un A majuscule concernant nos vains projets sans cesse remisés… aussi ai-je guetté le cœur battant le site de l’administration suisse concernant le placement de la France sur la liste rouge des pays à risque…!
À mon vif soulagement, il n’en fut rien et j’ai pu reprendre les douces habitudes que 10 mois de turbulences dues aux grèves et au satané virus avaient largement plombées.
Avec ce sentiment de devoir immédiatement profiter de tout ce que ma capitale de cœur peut offrir, nous nous sommes tout d’abord précipités au cinéma voir ce qui s’annonçait à tort comme une comédie, Effacer l’Historique. Tous les ingrédients y étaient pour assurer une réussite magistrale mais l’inadéquation de la bande annonce rigolarde et du propos désabusé sur la lutte du pot de terre (3 anciens gilets jaunes) contre le pot de fer (l’univers impitoyable des applications et réseaux sociaux) rend le propos indigeste à mon avis qui diffère de celui du Temps mis en lien. Il a pourtant le mérite de nous amener à nous interroger sur une société de plus en plus inégalitaire et injuste. Nous ne le réalisons que bien après avoir fait le tri entre déception et bien-fondé de la problématique. Cela n’ôte cependant rien au manque de souffle et de tonus véritables et à la déception doublée d’amertume ressenties. Le titre en tout cas peut parfaitement être retenu pour qualifier notre année de tous les impensables !
Alors pour l’oublier un peu, ce MMXX à la gomme, nous avons rendu visite à la Dame à la Licorne qui va bientôt retrouver le bruit des travaux de réorganisation des espaces de ce musée Cluny que j’aime tant et dont l’offre culturelle pléthorique à Paris avait retardé ma visite après sa réouverture en 2018. Le ravissement est intact autant que l’interrogation sur le sixième tableau, est-il vraiment dédié au cœur comme l’annonce ce panneau citant Jean Gerson en 1402 « et parleray des six sens, 5 dehors et ung dedans qui est le cœur » ?
Vue Ouïe Goût Toucher Odorat Psautier de St Jérôme, Bruges, parchemin enluminé 1410-15 Voilà comment un trésor Bâlois, la Rose d’Or de Minucchio da Sienna) est arrivée à Paris : « Le 1er document (1801, admission à St-Cyr) concerne François Xavier Mathieu Theubet, frère de Victor, tous deux fils de François Xavier, président du tribunal civil de Porrentruy.
En 1838, Victor Theubet, qu’on appellait le “colonel Theubet”, avait acquis d’un orfèvre bâlois l’antependium de la cathédrale de Bâle (table d’autel de Henri II). Après avoir cherché à le vendre dans diverses villes d’Europe (voir son dossier “de promotion” dans FK 17-1.4), Theubet le vendit au Musée de Cluny en 1852. Dans sa lettre à X. Kohler, son neveu, datée de Paris, le 27 juin 1852, Theubet explique les tractations: “J’ai vu M. Romieu, directeur général des Beaux-Arts au ministère de l’Intérieur. Après lui avoir donné à connaître mon désir de voir mon monument conservé par ce moyen au culte, ou au moins dans un musée de l’Etat, je l’ai prié de vouloir bien en autoriser le dépôt à l’Hôtel de Cluny en attendant qu’une décision soit prise à son sujet. Elle vient de m’être accordée depuis peu de jours, en conséquence, l’autel de s. Henri est aujourd’hui en sûreté dans ce musée, où M. Du Sommerard fils, qui en est le conservateur, espère bien qu’il restera; il fait en ce moment restaurer une des salles pour le placer convenablement et dans une quinzaine, il fera connaître, par un article du Moniteur, que ce beau monument du XIe siècle peut être vu trois jours de la semaine au Musée de l’Hôtel de Cluny.” (https://archives-aaeb.jura.ch/detail.aspx?ID=476251)…Retable de Stavelot Retable de Stavelot Retable de Stavelot Frigidarium Pilier de St Landry (IIe s. AD)
Toujours avec ce sentiment d’urgence, la magnifique exposition La Force du Dessin au titre prémonitoire, au Petit Palais. Les gravures et dessins ne sont pas mon fort mais plus on avance dans l’expo, plus on revient sur ses pas, interpellé par ces premiers jets d’œuvres ultérieures dans lesquels, pour reprendre la description du collectionneur Prat, on trouve la force initiale essentielle.
Hubert Robert, Façade orientale de la villa Médicis
Entre temps, nous avons éprouvé un immense plaisir à voir l’excellente pièce La Machine de Turing,

magnifiquement interprétée par son auteur Benoît Solès. Un spectacle intelligent et dense sur l’une des injustices les plus flagrantes du MI5 et des plus grandes gloires de l’informatique.
Voilà comment le voile se referme, d’aval en amont sur une jolie parenthèse dans un monde où brutes épaisses côtoient âmes sublimes comme dans l’excellent roman de mon ami Alain Bagnoud, la Vie Suprême, ou dans les personnages du Caravage (qui, lui, ne faisait aucun dessin préalable) que dépeint superbement Yannick Haenel quand il veut bien faire taire son nombril et me laisse partager sa passion pour Judith et Holopherne.
Vendredi à 18:00 Lundi à midi
Références: