Six mois après le non au référendum pour l’indépendance, les élections provinciales redessinent la carte politique

Les élections provinciales du dimanche 12 mai en Nouvelle-Calédonie confirment la dualité de la société calédonienne, après la très nette victoire, à droite, d’un courant radical opposé à « toute nouvelle concession aux indépendantistes ». Alors que s’ouvre l’ultime mandat de l’accord de Nouméa du 5 mai 1998 et qu’il faudra inventer un nouveau statut politique pour le territoire, le paysage politique sorti des urnes traduit plus un repli qu’une « communauté de destin ».

En dépit de leurs divisions, les loyalistes conservent une courte majorité au Congrès, avec 28 sièges contre 26 aux indépendantistes. A l’échelle du territoire, les listes loyalistes ayant obtenu plus de 5 % des suffrages cumulent un peu plus de 53 000 voix et les indépendantistes près de 44 000. A droite, la terre a donc tremblé. Calédonie ensemble, qui dirigeait le gouvernement et la province Sud, s’est effondré. La plupart des observateurs s’attendaient à une érosion de l’électorat de ce parti de droite modérée mais pas à un tel champ de ruines. Avec 18,49 % des voix en province Sud, qui concentre les trois quarts de la population et de l’activité économique, Calédonie ensemble chute de 16 à 9 sièges. Au Congrès, il n’aura plus que 7 élus contre 15 sortants.

Campagne offensive

« C’est un score rude. Il y a une radicalité nouvelle qui s’instaure et crée une société calédonienne de plus en plus binaire. Les discours anti-kanak et plus durs vis-à-vis des indépendantistes ont été mieux entendus », analyse son chef de file, le député Philippe Gomès, estimant que son parti a également fait les frais d’une conjoncture économique difficile et de l’usure du pouvoir. Ce scrutin a en outre été marqué par l’émergence d’un parti wallisien et futunien, L’Eveil océanien. Trois mois après sa création, ce parti ouvertement loyaliste a remporté 4 élus à la province Sud et 3 au Congrès.

Cette débâcle a profité à la mouvance proche du parti Les Républicains (LR), qui était parvenue à s’unir dès le lendemain du référendum du 4 novembre 2018, dont le résultat – 43,3 % en faveur de l’indépendance – avait été ressenti comme un « électrochoc ». Unis sous la bannière L’Avenir en confiance, les Républicains calédoniens, le Rassemblement-LR et le Mouvement populaire calédonien ont mené une campagne offensive, résolument tricolore et ancrée à droite. « Le message des électeurs est celui du changement et de la clarté sur l’avenir institutionnel. La majorité des Calédoniens veut vraiment rester dans la République », a affirmé Sonia Backes, tête de liste dans le Sud.

L’Avenir en confiance, désormais première force politique du territoire, obtient, avec 40,49 % des voix, 20 sièges sur 40 dans la province Sud, et en décroche ainsi 15 au Congrès, auxquels s’ajoutent les 3 sièges obtenus dans la province Nord à majorité indépendantiste. L’alliance constituée autour de Mme Backes disposera ainsi de 18 sièges au Congrès. « Nous avons assez d’élus à nous seuls pour demander l’organisation des deuxième et troisième référendums prévus par l’accord de Nouméa », se félicite-t-elle. La demande d’un tiers des élus du Congrès (18 sur 54) suffit en effet pour déclencher ces scrutins. Impatient d’« inverser la dynamique » du référendum du 4 novembre dont se prévalaient les indépendantistes, L’Avenir en confiance veut les organiser « au plus vite ».

En face, le Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS) améliore légèrement ses acquis – il gagne un siège en province Nord et un au Congrès – mais manque son pari d’inverser la majorité à l’échelle territoriale. La déconvenue est palpable dans le Sud, où les indépendantistes avaient un potentiel d’environ 24 000 voix – leur score au référendum du 4 novembre –, mais la liste d’union conduite par Roch Wamytan, vétéran contesté, n’a collecté que 11 271 suffrages, permettant au FLNKS de conserver ses 7 sièges alors qu’il en visait 10.

Dans le Nord, Paul Néaoutyine s’apprête à effectuer un cinquième mandat à la tête de la collectivité, la liste qu’il conduisait ayant obtenu 38,50 % des voix et remporté 10 sièges sur 22. Avec 35,96 % des suffrages et 9 élus, la liste de l’Union calédonienne emmenée par Daniel Goa, l’autre locomotive du FLNKS, voit une nouvelle fois la victoire lui filer entre les doigts. En revanche, l’Union calédonienne devrait conserver la gestion de la province des îles Loyauté, sa liste étant arrivée en tête avec 6 élus sur 14. Faute d’union, les loyalistes échouent à faire leur entrée dans l’Assemblée provinciale, entièrement indépendantiste depuis 2009.

Malgré sa large victoire dans la province Sud et bien qu’il dispose du groupe le plus important au Congrès, L’Avenir en confiance devra composer avec les autres formations loyalistes pour constituer une majorité. Les tractations vont s’engager pour former un gouvernement. Au risque d’une période d’instabilité prolongée.