Où est la norme ?

Curieux contrepoint à la petite Jeanne d’Arc du climat, la géniale Greta Thunberg, je sors, enthousiaste et bouleversée du film Hors Normes. Un très bon film sur un sujet généreux et bien traité. J’ai dit manichéen ? Non, juste optimiste…

Dès la première scène, on est saisi par cette gamine galopant à travers une rue très commerciale, renversant tout sur son passage et que finissent par maîtriser ses deux éducateurs.

Le film se développe autour des thèmes des associations venant en aide aux autistes graves dont aucune structure de l’État, nous dit-on, ne veut.

Dans ces conditions, deux associations, l’une dirigée par un juif aux tsittsit apparents (Remarquablement interprétée par Vincent Cassel), Bruno Haroche, et l’autre par un beur, Malik, incarné par un Reda Kateb plus vrai que nature, mettent sur pied des structures conjointes permettant à chaque autiste d’être suivi par un encadrant lui-même en général un jeune issue des banlieues et « incapable d’écrire en français correct, ne connaissant que le mot kiffer et le passé composé ».

Le film fourmille de pépites et de personnages attachants et, contrairement au Sens de la Fête que je n’avais absolument pas apprécié, ce film, j’en suis certaine me restera longtemps à l’esprit.

Que ce soit le petit pantin Valentin qui reprend vie au contact de son encadrant Dylan au point qu’on se demande qui sauve l’autre, le personnage de Joseph dont on nous dit qu’il est à l’origine de l’une des deux associations et qui représente Johann Bouganim à qui le film est dédié, ou les familles africaines considérant leurs enfants comme maraboutés, toutes ces situations sont crédibles, bien jouées, et truffées de sentiments que je ne qualifierais pas de bons car ce serait péjoratif.

Et je ne dis rien de la merveilleuse et bouleversante chorégraphie …

Sans oublier l’humour, marque de fabrique du couple Toledano- Naccache, avec deux Menahem ou les Chidouch à répétition!

Quant au coup de l’alarme à travers tout le film, comme Charlotte Lipinska, je pense que ce film s’est voulu, et c’est réussi, une alarme sur une situation catastrophique de la gestion des personnes “hors normes” en France.

À part les images floues qui donnent le tournis à ma myopie, une chose me chiffonne cependant. On nous présente une France où les âmes généreuses (et qui existent effectivement puisque cette histoire est tirée de faits réels), sont un beur et un juif, tous deux religieux. À aucun moment d’autres associations qui pourtant doivent exister n’apparaissent.

Tout film est une prise à partie et il n’est pas surprenant qu’à l’image de ses auteurs celui-ci ait un prisme judéo méditerranéen. J’essaie simplement de me mettre, moi, la judeo-séfarade, à la place de n’importe quel français qui ne serait pas issu de la plus récente immigration et qui se demanderait où est sa place dans la société que nous dépeignent Nakache et Toledano. Sont-ce les deux énarques chargés de liquider l’association ? Sont-ce seulement les autistes pris en charge par lesdites associations ? Les structures catholiques, protestantes, boudhistes ou mieux encore des structures laïques n’auraient-t-elles pas pu avoir droit de cité ?

À trop vouloir embellir le multiculturalisme, ne renvoie-t-on pas à nouveau nos gilets jaunes dans leurs cordes ?

Je réfléchis à voix haute et j’ai envie de partager ma réflexion.

Elle n’est pas finale, elle n’a rien de péremptoire, mais la France qui nous est décrite ici et qui reflète dans une très large part la réalité quotidienne des RER parisiens me fait penser qu’il y a un véritable monde entre la France que j’ai quittée en 1984 et celle d’aujourd’hui.

Le film nous donne à penser, à soutenir ces belles âmes, mais je me demande s’il ne porte pas également le glaive dans la plaie d’une société française de plus en plus clivée….mais si même La Croix le juge “émouvant et juste“, peut-être que je me trompe….

J’ai mis en annexe les critiques toutes élogieuses, quelques liens en anglais sur le drame de l’autisme mais surtout le site du Centre de Ressources sur l’autisme et d’autres associations certainement également méritantes… food for thought !

Références:

Interview de Nakache et Kateb par Emma Schneider le 24X19

La critique de la RTS du 23X19 par Rafael Wolf

Tribune de Genève par Cécile LeCoultre

La Croix par Geneviève Jorgensen

Le Point, 18X19, AFP

https://www.franceinter.fr/cinema/hors-normes-d-eric-toledano-et-olivier-nakache-le-bilan-du-masque-et-la-plume

Au sujet du film Hors Normes par Handicap.fr

Association Le Silence des Justes

Association Relais Île de France

Centre de ressources Autisme Île de France et sur sa page associative que je me permets de reproduire ici, les associations auxquelles elle revoie:

In English :

New Zealand’s quiet hours for autists in The Guardian

A heartbreaking testimony in The Guardian

Interview of Prof. Simon Baron-Cohen in the Guardian