Le jour même où mourait Arnaud le gendarme héros, s’éteignait une vieille dame par la faute du manque… de moyens, de clairvoyance, d’empathie, que sais-je? D’un manquement en tout cas puisque sa main courante est restée lettre morte, comme elle d’ailleurs.
On insiste sur l’horreur particulière étant donné le passé de Mireille Knoll, on cite son nom et on tait (c’est bien) celui de ses assassins.
Tout est dit et écrit sur cette mort de plus, mort de trop.
Je vais donc me taire et laisser parler les autres colères, les autres tristesses et analyses….
Je relaierai autant que possible les indignations de tous bords.
Je vais tâcher de me concentrer sur la beauté des âmes humaines et je ne veux pas blâmer les policiers mis à dure épreuve en ces temps de virus barbare…d’incivisme généralisé, de laisser-aller et de repli communautaire qui n’engendre que plus de haine.
Je finis ce court éclat en citant une de mes très bonnes amies et collègues, universitaire tunisienne, Dr. Raoudha Kammoun.
Ce qu’elle écrit reflète exactement le fond de ma pensée et ce que pense cette majorité silencieuse qui l’est de moins en moins, et c’est la seule bonne nouvelle de cette tragique prise de conscience que la Bête est toujours vivante quand Mireille ne l’est plus…
Coucou Daphné. Moi je ne fais pas de commentaires sur cet acte inqualifiable parce que je ne trouve pas les mots adéquats. Je suis simplement très mal d’abord parce que c’est une vieille dame sans défense ensuite parce qu’elle est juive rescapée ou non mais cela prouve que l’humanité régresse et que les principes fondamentaux des droits humains doivent être enseignés et médiatisés constamment. Il faut recommencer avec chaque génération. L’histoire s’éloigne et les WW1 et 2, Hitler, Mussolini , Pol Pot, Gengis Khan et autres sanguinaires ne sont plus enseignés. ‘I have a dream’ est devenu un slogan sympathique qu’on reprend pour faire ‘in’. La shoah mais sur un autre plan aussi Sabra et Châtila et Abu Graib en Irak ne veulent rien dire aux jeunes nés après 90. Il ne faut plus prendre les bases des principes des droits de la personne pour argent comptant. Le droit des minorités est à apprendre aux nouvelles générations. J’arrête sinon j’en aurai pour ce soir.
Bises et bonne journée.
PS: Une dernière pensée. S’il y a une décision qui m’exaspère c’est plier bagage pour Israël parce que la France est devenue antisémite. Fuir au lieu de réparer et faire avancer le monde. Les racistes ont toujours existé partout . Ils ne sont pas plus nombreux maintenant. Ils se manifestent davantage en cas de crise
Références (liste provisoire non exhaustive):
Message traduit de sa petite-fille Israëlienne sur la page des Haverim:
MESSAGE BOULEVERSANT DE NOA GOLDFARB,
PETITE-FILLE DE MADAME KNOLL LACHEMENT ASSASSINEE A PARIS LE 23 MARS 2018
–> Message traduit de l’hébreu :
Il y a vingt ans, j’ai quitté Paris sachant que mon avenir n’était pas là-bas. Ni pour moi ni pour le peuple juif.
Mais qui pouvait penser que je laissais mes proches là où la terreur et la cruauté mèneraient à une fin si triste.
Cela ne peut arriver qu’aux autres.
Mais la réalité est différente … Savta (grand-mère, en hébreu) a été poignardée à mort 11 fois par un voisin musulman qu’elle connaissait bien.
Il s’est également assuré de mettre le feu à son appartement pour ne nous laisser aucun souvenir.
Pas d’album photo, ni d’elle… ni de Saba (grand-père, en hébreu), pas de lettres … rien !
Il ne nous reste que nos larmes.
Espérant un meilleur avenir.
Papa est en route vers toi
“Paix à ton âme” (en français)
Message de Mohammed Luizi sur FB:
Mireille Knoll, ma grand-mère que je pleure.
☆☆☆☆☆
Pourquoi ? Mireille Knoll avait l’âge de ma grand-mère, lalla Fatima. Mireille Knoll n’est plus. Comme lalla Fatima. Elles ont traversé le seuil de l’au-delà mais pas par la même porte. Ma grand-mère est décédée paisiblement en 2016, entourée de ses enfants, de ses petits-enfants et de ses arrière-petits-enfants. Mireille Knoll a été assassinée, chez elle, le vendredi 23 mars 2018, le jour même de l’attentat de Trèbes où l’une des victimes, le colonel Arnaud Beltrame a été lui aussi égorgé, offrant sa vie pour sauver une autre. Le corps de Mireille Knoll, poignardé à de multiples reprises, a été retrouvé en partie carbonisé. Je vous laisse imaginer l’atrocité du crime. Mireille Knoll n’a pas connu Auschwitz. Âgée de six ans en 1939, Mireille Knoll a échappé aux Rafles de Juifs conduites par les nazis et par leurs collabos.
A ses 85 ans, le nouveau visage du nazisme, toléré par une République malmenée, s’est introduit jusqu’à chez elle, dans l’indifférence à peine gênée, comme lorsqu’il s’était introduit chez Sarah Halimi, assassinée chez elle aussi à l’age de 65 ans, presque l’âge de ma mère. Ce jour-là, le 4 avril 2017, la République était comme absente. Il ne fallait surtout pas déranger le storytelling médiatique qui manipulait les esprits pour faire accepter, au forceps, l’intronisation d’un nouveau monarque à défaut d’élire un vrai président. L’État et ses médias braquaient les projecteurs sur Pénélope Fillon et, en même temps, coupait le son des cris de secours provenant de l’appartement de Sarah Halimi. On a fait le choix de faire le bruit autour de prétendus emplois fictifs. On a fait le choix de faire silence autour d’un crime antisémite bien réel. La macronie “en marche” amplifiait les voix des canards déchaînés et censurait toute autre voix dissonante fusse-t-elle la voix d’une femme seule, affaiblie par l’âge, assassinée chez elle parce qu’elle était juive. Pourquoi ?
Je n’ai plus de mots pour dire ma profonde indignation, ma profonde tristesse. Je n’ai plus de mots non plus pour décrire la lâcheté d’une partie de la classe politique et de tous ces éditocrates, “journalistes” ou soi-disant “experts”, à la solde du monarque. L’heure est grave. En France, le nouveau visage du nazisme s’octroie le droit de tuer Mireille et Sarah parce qu’elles étaient juives. D’égorger le Père Hamel, parce qu’il était chrétien. De poignarder au cou le colonel Beltrame, parce qu’il était dépositaire de l’autorité publique. De tirer sur des journalistes parce qu’ils célébraient la liberté d’expression. D’égorger dans la rue deux jeunes filles parce qu’elles étaient, peut-être, trop libres, trop joyeuses, aux yeux de l’islamisme. D’assassiner des spectateurs parce qu’ils aimaient la musique et les belles rencontres. De foncer sur des foules rassemblées un soir de fête nationale, pour semer la terreur partout, l’étape juste avant d’imposer la soumission comme seule option à un peuple qui se croit (encore) libre. Pendant ce temps-là, on peine à avoir une lisibilité et une visibilité de ce que fait (ou fera) la République. A-t-elle encore le temps pour sauver ce qui reste de son honneur ?
Mireille Knoll avait l’âge de ma grand-mère, lalla Fatima. Ma grand-mère n’a jamais souffert de haine parce qu’elle était musulmane. Elle a vécu heureuse au milieu des siens. Elle est décédée entourée de tous ceux qu’ils l’ont tant aimée. Mireille Knoll a vécu une enfance à l’abri des nazis. En 2018, elle est assassinée parce qu’elle était juive. Que son âme repose en paix éternelle. Son souvenir, son regard, je ne l’oublierai jamais !
Quelques jours après l’assassinat à caractère antisémite d’une octogénaire et de l’attaque terroriste de Trèbes, Léa Salamé reçoit l’ancien président de SOS racisme qui a condamné ces attaques et regrette qu’il soit aujourd’hui difficile, pour les personnes de confession juive, d’arborer dans certains quartiers des signes distinctifs de leur religion. (…) L’ancien président de SOS racisme appelle à ne pas hésiter à répondre, pour ne pas voir émerger, partout dans le monde, une réponse politique beaucoup plus radicale.(Meier Waintrater)
Le Parisien (premier à dénoncer le caractère antisémite de cette atrocité)
réaction de Nathalie Bianco:
Vous avez-remarqué ? Toutes les vieilles dames se ressemblent un peu. Leurs rides, leurs mains, surtout. Elles ont presque toujours la même coiffure, les cheveux courts sagement fixés avec de la laque, elles ont presque toujours les mêmes habits, “une petite laine” sur les épaules pour ne pas avoir froid et le même regard aussi, un peu fatigué, bienveillant et un peu timide quand elles fixent l’objectif. Elles sentent souvent la même odeur, un mélange d’eau de Cologne et de poudre de riz. Elles regrettent presque toutes le départ de Julien Lepers de la TV, et on les imagine presque toutes faire des tartes aux mirabelles.
Mais presque toutes les vieilles dames ne sont pas des rescapées de la Shoa, comme celle-ci, qui s’appelait Mireille. Et fort heureusement, toutes les vieilles dames n’ont pas été poignardées puis brûlées parce que juives, comme elle. Mireille n’a pas eu de chance, sans doute…Comme l’autre vieille dame, Sarah Halimi, celle qui avait une perruque bien laquée aussi et qui a été torturée et défenestrée dans le même quartier il y a quelques mois.
Je ne sais pas dans quel pays on vit, ni quelle société on est en train de laisser à nos enfants. Tout ce que je sais, c’est qu’il y a quelque chose de pourri dans notre pays, quelque chose qui fait qu’on tue des enfants de 5 ans dans une école juive, ou qu’on canarde des gens dans une épicerie casher, qu’on torture puis brûle des vieilles dames juives de 85 ans. Tout ce que je sais, c’est que 40 % des actes racistes dans notre pays, concerne cette « communauté juive » qui ne représente pourtant que 1% de la population.
J’ai honte, profondément honte de ce qu’on est en train de laisser s’installer. Profondément honte de lire dans la presse que ce crime « met en émoi la communauté juive ». C’est toute la population française qui doit être en émoi.
Toutes les vieilles dames se ressemblent un peu.
Mireille était ma grand-mère, comme Ilan Halimi était mon jeune frère et les enfants de Toulouse mes enfants.
Mireille était ma grand-mère. Et aussi la vôtre j’espère.
NY TIME : She Survived the Holocaust, to Die in a 2018 Hate Crime
réflexions de P. A. Taguieff dans Le Monde du 29 Mars 2018
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