Je suis heureuse de tenir ce blog en période de confinement,comme c’est devenu depuis 38 jours mon habitude. En effet je commence déjà à oublier le début de cette aventure et dans ma tête est déjà un pied dehors.. Aujourd’hui après avoir lu et diffuser l’article qui va suivre, je me suis attablé à toutes les taches que j’avais projeté de faire pendant ses vacances en terme de ménage notamment. Certes, il reste encore beaucoup à faire si j’ai appris une chose tiré une leçon de tout ceci, c’est de faire chaque chose en son temps…
Mais aujourd’hui je pense impératif que l’on partage le plus largement et rapidement possible ce véritable cri de désespoir d’un intellectuel incroyablement lucide que j’ai eu l’honneur de rencontrer il y a quelques années et avec lequel j’ai partagé une conversation qui m’a marquée à jamais, tout comme elle a singulièrement impressionné ma fille Clélia qui, a l’époque, était étudiante en sciences politiques. Ce qui suit est un extrait de son entretien avec le sociologue J.L. Fabiani dont la totalité est à retrouver sur le site d’AOC (Analyse, Opinion, Critique) du 18 avril 2020
GM TAMÁS dissident sous le règne de Janos Kadar, au temps du socialisme réel (…) Une de ses contributions les plus remarquées est le développement du concept de post-fascisme, une forme de pouvoir autoritaire qui n’a plus besoin de répression massive pour contourner la démocratie.
La loi qui vient d’être adoptée à l’occasion de la pandémie de coronavirus accorde encore plus de pouvoirs à Viktor Orban. Est-ce seulement une manifestation opportuniste destinée à museler encore plus l’opposition et les médias alternatifs, ou doit-on y voir autre chose ?
Hélas, ce n’est pas un geste opportuniste, mais un changement décisif du système constitutionnel. En établissant un gouvernement par décret sine die, il est évident que la seule source de la loi est désormais M. Orban lui-même et personne d’autre. Ce n’est pas une transgression de la loi constitutionnelle, mais sa suspension pure et simple. Les résultats sont visibles. Les règles et usages les plus élémentaires de l’administration publique ont été ignorés. La cheffe des services de santé du pays, une secrétaire d’État, le Dr Ildikó Horváth, n’a pas paru en public depuis deux mois. Aucun médecin, aucun virologue ou épidémiologiste n’a l’autorisation de s’adresser à la presse. La situation liée au virus est gérée par un groupe de policiers et de militaires à la tête duquel se trouve un comité dont l’existence est tenue secrète.(…)Ce n’est pas seulement le parlement qui est empêché de fonctionner, c’est aussi le reste de l’exécutif. Dans un système constitutionnel, il n’existe pas de pouvoirs occultes ou informels. Ceux-ci ne prennent les commandes que dans une tyrannie.
Comment définiriez vous le régime d’Orban ? Il l’a qualifié lui-même de démocratie « illibérale ». Peut-on le comparer à des formes gouvernementales du passé ? L’analogie avec le fascisme est-elle pertinente ?
À la différence du fascisme « classique » ces systèmes ne massacrent pas leurs adversaires, du fait que leur ennemi principal – le mouvement ouvrier ou le socialisme – est mort, mais ils atteignent leur but d’une manière formellement plus ou moins légale : leur but est la suppression de l’égalité des citoyens et de la sphère publique (Öffentlichkeit). La distinction entre différentes formes de pouvoir appartient au passé. M. Orban a annoncé que l’État hongrois n’obéirait pas aux décisions de justice donnant raison aux plaignants Roms exposés à des formes de discrimination négative. (…)La propriété d’État est l’objet d’un don à l’oligarchie. La plupart des médias sont la propriété du cercle privé de M. Orban ou de l’État de M. Orban (…)Les lieux traditionnels d’autonomie (universités, groupes professionnels, « chambres ») sont démolis. Lors des dernières élections, le parti de M. Orban n’a présenté aucun manifeste électoral : leur unique programme était une propagande anti-immigants, anti-Européenne et anti Soros (qu’on peut facilement traduire par anti-Juif) alors que l’opposition (…)est trop lâche pour faire du racisme une question publique.
Les dernières élections municipales ont été moins faciles que prévu pour Orban, particulièrement à Budapest. Voyez-vous les signes avant-coureurs d’une opposition plus forte dans un futur proche ?
Il faut comprendre que, sauf pour une toute petite minorité, mais qui vocifère, Orban n’est pas un leader charismatique. L’opposition n’a pas vraiment amélioré ses scores précédents. Il s’agit seulement du fait que, en s’unissant cette fois-ci, ils ont permis à leurs supporters – une majorité dans toutes les grandes villes sauf une – de voter pour eux. Les conseils municipaux et les maires sont sans pouvoir. Le gouvernement régional au niveau du comté, qui a été puissant pendant un millier d’années, a été supprimé sans qu’on entende un seul murmure de protestation. Les gens savent que le régime est corrompu, autocratique et inefficace, mais aussi longtemps qu’il semble maintenir à bonne distance l’influence occidentale « libérale » (…) et aussi longtemps qu’il évite l’entrée d’immigrants Arabes et Africains, il est populaire dans l’électorat, (bien qu’il ne soit pas aimé en tant que personne), en dépit des doutes qu’on peut avoir. Le sentiment anti-Roumain joue un certain rôle aussi.
La pandémie pourrait-elle accroître le soutien à Orban sous la forme d’une « union sacrée » ou d’un appel à l’obéissance ?
Je n’en suis pas sûr. L’énigme que constitue le régime de la pandémie est toujours plus obscure et l’électorat, en règle générale, n’aime pas l’excès de secret. (…) le nationalisme hongrois n’est pas l’équivalent des nationalismes occidentaux : il est presque entièrement négatif et aisément réductible à la xénophobie
Pourriez-vous nous parler du système de santé aujourd’hui en Hongrie, et ce qu’il était pendant le socialisme ? Comment les Hongrois le voient-ils ? Y a-t-il un important secteur privé ? Si la pandémie est considérée comme mal gérée, cela peut-il avoir des conséquences pour le gouvernement ?
Pendant le « socialisme réel », le système de santé était public, gratuit et universel et (…) d’une grande qualité professionnelle. Comme dans les autres pays de l’Europe de l’Est, il a été réduit en cendres, par les coupures budgétaires, les bas salaires des médecins et des infirmiers qui ont émigré en masse (…)le système de santé est depuis trente ans le plus grand scandale.(…) Ce qui reste des « cabinets médicaux » des années 1970 ne tient que grâce à l’héroïsme et à l’engagement des médecins locaux, particulièrement des pédiatres, mais les hôpitaux où vous devez acheter votre propre papier-toilette, les médicaments, les désinfectants et les bandages depuis maintenant des décennies sont une vraie abomination.
Comme dans tous les régimes autoritaires, la vie intellectuelle et la vie scientifique sont des cibles. Pouvez-vous décrire brièvement la situation sous ce rapport ? Y a-t-il une scène alternative ?
L’autonomie des universités est morte, l’Académie des sciences est défunte ; l’indépendance de la recherche appartient au passé ; la culture critique ou rebelle – de la philosophie aux sciences sociales, à l’art et à la littérature –, tout cela est terminé. (…) Maintenant, comme avant 1989, il faut à nouveau lire entre les lignes, exactement pour les mêmes raisons : l’argent. Si vous faites des déclarations contre le régime, on ne vous poussera pas dans le souterrain obscur d’un donjon. On ne vous donnera pas de contrat, votre éditeur pourrait recevoir un coup de téléphone discret, votre partenaire pourrait ne pas trouver de travail, votre film sera privé de financement, votre université pourrait perdre son programme doctoral, votre maison pourrait faire l’objet d’impôts locaux plus élevés. Le répertoire est infini. Et les intellectuels ont surtout été préoccupés de garder le silence. (…) Les presqu’îles d’art critique qui survivent sont caractérisées par l’amertume et la crudité de langage, remplies de haine anti-politique et anti-intellectuelle, opposées à toute forme d’idées. Le journalisme politique d’opposition parle dans une langue de charretier et est cynique.
Est-ce que la partie de la loi consacrée aux fake news est déjà en application ? A-t-elle des conséquences sur la manière dont les médias indépendants traitent l’information ?
Le seul résultat visible est l’autocensure. Le délit de calomnie sera surtout appliqué aux parlementaires d’opposition, beaucoup moins aux journalistes et aux écrivains. Orban préfère acheter les médias dissidents plutôt que d’avoir des journalistes arrêtés et de prendre le risque de les voir acquittés devant des tribunaux qui ne sont pas en bons termes avec un gouvernement qui a confisqué une bonne partie de leur indépendance et de leur influence.
Le consentement populaire à l’égard des mesures d’Orban semble être élevé. Comment l’expliquer ?
Au départ on a eu la même réaction partout ; même Trump et Johnson ont eu l’approbation de la majorité, bien qu’ils aient été bien pire qu’Orban dans leur manière de gérer la crise. Personne ne sait si ça va changer ou pas.
Les pays européens et l’Union européenne devraient-ils être plus durs avec Orban ? Cela n’a pas l’air d’être très efficace, d’autant plus que de nombreux gouvernements ont pris des mesures autoritaires à la faveur des situations d’urgence.
Il est vrai que la plupart des gouvernements sont plus autoritaires maintenant (…) l’Europe de l’Ouest (…) n’a rien fait contre Orban au moment où il aurait été plus facile de le faire. Donc ils ne feront rien de significatif ou de décisif mais je ne peux pas faire semblant de savoir ce que les rares personnes qui sont concernées par la Hongrie dans l’establishment occidental ont en tête. Ils pensent que l’élargissement de l’Europe était une erreur, que l’Europe orientale, récalcitrante, anti libérale et anti-démocratique par essence, ne devrait pas avoir son mot à dire dans des décisions qui ont des effets sur la partie occidentale de l’Europe. Je pense qu’ils prient secrètement pour qu’Orbán, Kaczyński, Babiš, Matovič et Janša quittent le pouvoir et laissent l’Europe au même moment. Bon débarras serait leur seul mot d’adieu. La popularité de l’Union en Hongrie est purement matérielle : des emplois bien payés pour les travailleurs émigrés plus les bakchich d’État (les « fonds de cohésion »), c’est tout ce que nous aimons.
Orban incarne-t-il l’Europe du futur ?
Je ne le pense pas. La situation est trop spécifique. Le sentiment selon lequel nous sommes seuls et que nous devons être seuls n’est pas uniquement hongrois. Comparez avec l’Italia farà da sé ou le Sinn Fein (qui veut dire « nous nous-mêmes »), mais le sentiment d’une défaite glorifiée et de la mauvaise volonté du reste du monde est particulièrement puissant ici. Orban parle d’une dictature libérale en Europe. (…) Il parle aussi d’un complot libéral-marxiste contre la nation hongroise. La culture de droite ici est très largement inspirée par des intellectuels français – depuis Renaud Camus et Eric Zemmour jusqu’à Chantal Delsol et Michel Onfray (les libéraux de leur côté adorent Michel Houellebecq). Alors, s’ils sont l’avenir de l’Europe, Orban l’est aussi. C’est à la fois horrible et ridicule.
Entretien dans AOC: G. M. Tamas : « En Hongrie, la seule source de la loi est désormais Orban lui-même »Par Jean-Louis Fabiani.
Comment peut-on tolérer le patriotisme quand 6 millions de juifs ont été massacrés en son nom ?
Charlie Chaplin, Mémoires, dans le Podcast Histoire Vivante, La TSR La 1ere
Je me suis réveillé ce matin en écoutant le podcast donc je mets la référence ci-dessous et est trouvé des véritables similitudes avec le politiquement correct dont on nous rabat les oreilles… vaste débat qui va Claude clôturer cette soirée. Pas de portraits alors que j’en avais préparé, pas de petits mots drôles alors que beaucoup de vidéos très sympathique sont tombés. Aujourd’hui je laisse la place à Gáspár et vais enfin me coucher de bonne heure !
Autres références:
In The Brooklyn Rail; In August 2019, a radical group in Hamburg invited G.M. Tamás and Pavlos Roufos to have a public discussion about nationalism, sovereignty, and post-fascism. After the talk, Roufos sat down with Tamás and had the following conversation published in The Rail edition of October 2029
(On immigration): there is a competition for Western jobs between Eastern Europeans and migrants from Africa and the Middle East. It is not the only one, but it is one of the reasons why Eastern European states are opposed to migration from the Middle East, Africa, and Central Asia: they want these Western jobs for their own citizens. (…)If the “cohesion funds,”—the bribes from the EU—don’t flow in, and if millions of Eastern Europeans cannot work in Western Europe, then the Eastern European states might just as well post “business closed” on their doors. (…) (another reason is) racism that is nowadays mingled with what one could call “culturalism,” visible in the discourse of the right everywhere in the West, as well as in East European countries. The cultural argument is identical with the racial argument found in the dominant theory of the right—that there are permanent, inherited traits of some populations such that cultures are as rigid as racial traits that are biologically and genetically inherited. (…) This cultural/racial hatred is very serious, and is the result of the failure of modern (or post-modern) political communities to establish any kind of reasonable identity beyond race or cultural heritage, inherited attitudes, and so on.
(On fascism): the main task of fascism—the annihilation of socialism, has been achieved.(…)the fact is that there was no Western socialism, and this is the lasting legacy, indeed, the victory of fascism. Contemporary Europe is largely the creation of fascism in a negative sense.(…)the main political technique of fascism also remains: it is about transforming citizenship into a non-universal privilege instead of a universal condition of all human beings, a presupposition of enlightenment, of socialism and, in a non-political way, of Christianity. (…) Modern humankind cannot be kept at bay, in an exploitative and repressive society like capitalism, which remains, whichever way you look at it, still rule by a minority. (…) What is called left populism or left nationalism today is a reflection of this paradoxical situation in which the left is no longer accused of wanting to offer supremacy to the “unwashed, uncultured, vulgar” workers. (….) Now, it is the opposite. The left is accused of being out of touch with those masses, the very masses that the right despised so much in the past.
(About Orbán’s illiberal democracy): Orbán was in search of an ideology when he first took power. It was clear for him, as a former liberal, that absolute power cannot be conquered without an ideology and together with the liberal intellectuals. The liberal left would never accept his leadership (…) so he discovered, quite mechanically at first, in a cold way, that the only place for him was on the right. And he went to the right without feeling like a rightist. Not at all. In the beginning, in the 1990s, it was a cold calculation and nothing more.
(On Hungarian working class): Where is the Hungarian working class? In Austria and in Germany. That is the solution. Most of the skilled workers and members of professions, from teachers to doctors, from technicians to scientists, are emigrating. The remaining ones are employed by multinational, mostly German companies
(On German and Austrian hegemony): What we have is the reestablishment of the situation from before 1914, when German and Austrian capital was the Hungarian capital.
“All These Things Are Connected”
G.M. TAMÁS with Pavlos Roufos
https://www.opendemocracy.net/en/can-europe-make-it/1989-end-what/
https://jungle.world/artikel/2020/07/die-gleichheit-erscheint-als-elitaer
https://kunsthallewien.at/g-m-tamas-the-nationality-of-a-virus/
Hongrie La méthode très militaire de Viktor Orban: Le premier ministre déploie l’armée, vide les hôpitaux et renforce son contrôle sur l’opposition (…) Avant le week-end de Pâques, les hôpitaux ont reçu l’ordre de libérer plus de 10 000 lits. Cette décision a déclenché des situations dramatiques avec des personnes en maladie chronique brutalement mises à la porte d’hôpitaux. (…)Le gouvernement a aussi décidé de créer des zones économiques spéciales, où les municipalités sont privées de taxes professionnelles. Or, plusieurs grandes villes, à commencer par Budapest, sont contrôlées depuis les élections d’octobre 2019 par l’opposition. Ce qui fait dire à Benedek Javor, représentant de la mairie de Budapest auprès de l’Union européenne, que « Viktor Orban utilise le coronavirus pour renforcer son contrôle sur les municipalités et sur l’économie ».
Le Monde du 24 avril par par Jean-Baptiste Chastand. Correspondant régional à Vienne.

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